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Date : 2021

Pourquoi certaines personnes sont-elles plus engagées politiquement que d’autres et pourquoi certaines ont-elles plus confiance en leur gouvernement que d’autres ?

L’efficacité politique, également appelée efficacité citoyenne ou efficacité civique, décrit l’estimation qu’ont les citoyens de leur capacité à avoir un effet sur leur système politique. Le niveau d’efficacité que se reconnaît un citoyen, c’est non seulement sa perception de la possibilité d’un changement social et politique dans son environnement, mais aussi sa perception de sa capacité à participer à ce changement. L’efficacité politique a été conceptualisée en grande partie par Craig & Maggiotto dans leur article de 1982 afin de mieux comprendre les comportements et attitudes politiques.

Ce concept continue d’être employé par des experts comme une mesure de la force démocratique et comme un indicateur de la stabilité à long terme de la confiance politique parmi les citoyens. Alors que la confiance dans le gouvernement fluctue fortement en fonction de la santé économique d’une nation à une époque donnée, l’indicateur de l’efficacité politique est plus fiable dans l’analyse de la participation politique à travers le temps et les éléments démographiques.

Selon les données de l’OCDE (European Social Survey, 2018 et le World Values Survey, 2020), moins de la moitié des citoyens européens (44 % en moyenne) estiment que leur système politique leur permet d’avoir un mot à dire sur ce que fait le gouvernement. De même, 60 % des européens interrogés ont déclaré que le gouvernement ne tient pas compte de l’avis de “personnes comme moi” lors de la conception des politiques. La participation politique et la confiance dans le gouvernement ayant diminué de manière significative depuis les années 1960, la recherche s’est concentrée sur l’étude des facteurs susceptibles d’augmenter ou de diminuer l’efficacité politique des citoyens, ainsi que sur les interactions entre l’efficacité, la confiance politique et la participation politique traditionnelle (vote, participation aux campagnes) et la participation politique non traditionnelle.

Les recherches distinguent l’efficacité interne, ou l’estimation par le citoyen de sa propre capacité à comprendre et à participer au système politique, de l’efficacité externe, ou la conviction du citoyen que son système politique l’écoutera et lui répondra. Autrement dit, l’efficacité interne c’est le niveau de confiance qu’une personne possède dans sa capacité à agir (efficacité interne, “je crois que je peux faire la différence”) et à faire réagir son gouvernement (efficacité externe, “je crois que mon gouvernement est à l’écoute des personnes comme moi”). Alors que l’efficacité externe est fortement influencée par le contexte structurel autour d’une personne (durée et stabilité de la démocracie, prospérité économique), son efficacité interne est plus intrinsèquement liée à des éléments psychologiques et sociaux, tels que sa catégorie sociale (sexe, classe, race, éducation), son estime de soi et ses expériences passées.

La recherche constate donc que l’efficacité politique et la participation politique d’un citoyen déterminent à la fois sa confiance dans son gouvernement et sa satisfaction générale à l’égard de la démocratie. Toutefois, la conviction que l’on peut faire la différence dans son environnement (l’efficacité interne) est de loin la plus importante des deux types d’efficacité pour déterminer les comportements et les pratiques : la croyance d’une personne en sa propre capacité à comprendre le processus politique est le facteur le plus important de la participation citoyenne. Par exemple, les recherches montrent que l’efficacité politique interne (élevée) est un facteur prédictif significatif du premier vote : plus une personne jeune a confiance dans sa capacité à comprendre et à participer dans la politique, plus il est probable qu’il/elle vote.

À l’inverse, une faible efficacité externe (la croyance que “le gouvernement ne va pas m’écouter”) est fortement corrélée à des formes non traditionnelles de participation politique : moins les personnes croient en la réactivité du gouvernement à des modes d’expression politiques traditionnels, plus les personnes vont chercher à trouver des moyens de s’exprimer autrement par des façons “alternatives” d’agir (par exemple : vote blanc, organisation communautaire, boycotts, manifestation, engagement numérique). Il est intéressant de noter que la plupart de ces formes alternatives de participation politique sont donc liées à la conviction paradoxale que, même si le gouvernement n’écoute pas les citoyens “comme moi” (une efficacité externe faible), les citoyens ont toujours la capacité d’influer sur les processus politiques (une efficacité interne élevée). Par conséquent, la participation politique sous toutes ses formes dépend toujours en grande partie d’une efficacité interne élevée. Enfin, des études montrent que des individus, même ayant les mêmes compétences et le même niveau de connaissances, n’exécuteront pas une tâche de la même manière en fonction de leur sentiment d’efficacité politique.

Pour Où sont les dragons, le concept d’efficacité politique permet donc de mieux comprendre comment et pourquoi les citoyens s’engagent, ou ne s’engagent pas, dans la vie politique, mais aussi dans la co-conception des services publics. Afin d’agir, ils et elles doivent à la fois s’en croire capables (car en capacité de comprendre et d’agir sur le monde), et croire que leur implication aura un effet (car les institutions et le gouvernement pourront “les écouter”’). C’est donc un formidable prisme d’analyse pour étudier les comportements et les motivations des usagers et des citoyens, dans la vie politique et autour des services publics et de l’e-gouvernement. En tant que chercheurs et designers souvent engagés auprès de services publics, cette notion nourrit constamment nos projets : elle nous rappelle qu’il ne s’agit pas seulement d’offrir “la meilleure expérience utilisateur” possible, mais bien d’œuvrer pour renforcer les capacités à agir des citoyens tout autant que la capacité d’écoute et de mouvement des institutions.