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Pourquoi on les fait et pourquoi ça amène rarement aux résultats souhaités ? 

Aujourd’hui, “Nouvel An” est la fête la plus célébrée dans le monde, et la seule fête à être vraiment mondiale. Il y a 4000 ans, les babyloniens de l’Antiquité organisaient des célébrations en l’honneur de la nouvelle année (à l’époque en mi-mars pour marquer la nouvelle récolte), faisant des promesses aux dieux dans l’espoir que ceux-ci leur accordent en retour leurs faveurs pour l’année à venir. Dans l’Antiquité romaine, on offrait au dieu Janus (l’origine du nom du mois de janvier) des résolutions de bonne conduite pour la nouvelle année. Cette divinité, très vénérée, était représentée avec deux visages qui regardaient simultanément en avant et en arrière, elle possédait donc à la fois la connaissance du passé et de l’avenir. C’est là que se trouve l’origine de notre rituel des résolutions du nouvel an et la pratique d’initier soi-même des changements dans sa vie.

A l’ère moderne et dans les pays occidentaux, la période de l’année entre Noël et le premier janvier est un moment où peu d’affaires ou d’autres activités ont lieu, où la plupart de notre temps est passé à manger, boire et socialiser. C’est donc un moment propice à la réflexion, à l’introspection et, dans la tradition de Janus, à un retour sur l’année qui a précédé et un regard sur celle à avenir. 

Selon certains sondages, environ la moitié des adultes (en Europe et en Amérique du Nord) se fixent des résolutions du Nouvel An mais on estime qu’entre 10-15%  d’entre eux seulement les tiennent sur la durée. Alors que la motivation est très élevée le premier jour de janvier, elle tend à diminuer avec le temps et beaucoup, sinon la majorité, des résolutions du nouvel an sont finalement abandonnées dans les trois premiers mois de l’année (si ce n’est avant). 

Il existe des études en sciences sociales qui examinent la pratique des “bonnes résolutions”, en analysant la nature des résolutions (les thématiques), les facteurs de réussite dans l’optique d’un changement comportemental ainsi que les aspects psychologiques derrière la notion “d’objectifs”. Les chercheurs constatent ainsi plusieurs catégories de résolutions récurrentes au cours des 50 dernières années : la santé physique (70 %), les relations interpersonnelles et l’amélioration de soi (10 %) et les résultats scolaires ou professionnels (moins de 5%). Pour la première catégorie, les résolutions relatives à la santé ont le plus souvent trait à des comportements de dépendance, tels que cesser de fumer, perdre du poids, boire moins. Il s’agit des comportements parmi les plus difficiles à modifier à long terme, ce qui peut expliquer le faible taux de réussite des résolutions du nouvel an. La résolution de perdre du poids est, par exemple, la résolution que les gens ont le moins de succès à atteindre. 

Le problème est que la plupart des bonnes résolutions ont tendance à avoir une portée trop générale (par exemple, être en meilleure santé, être plus heureux…) et exigent des changements de comportement difficiles à maintenir sur le long terme. Par conséquent, les gens éprouvent un sentiment de divergence grandissant entre leur situation actuelle et leur objectif. Le fait de se fixer ainsi des objectifs trop vagues implique que la personne n’atteint jamais tangiblement ses objectifs (on est ainsi jamais tout le temps en bonne santé, ou tout le temps heureux) ce qui peut être ensuite interprété par la personne comme une faiblesse dans un domaine par ailleurs important pour elle. Malheureusement, le soi-disant échec des objectifs fixés au nouvel an a un effet négatif sur l’estime en soi de l’individu. Ainsi, même si on arrive a atteindre l’objectif initial, il faut également continuer à prendre des mesures conformes à l’objectif, maintenir sa motivation à long terme, résister à l’attraction d’objectifs concurrents et de tentations, surmonter les effets de compensation et faire preuve de résilience face aux revers et aux échecs.

Regardons maintenant les stratégies employées pour atteindre les objectifs, dont on identifie deux types : orientées par l’approche (approach-oriented) et orientées par l’évitement (avoidence-oriented). L’orientation par l’approche consiste à fixer des objectifs spécifiques, mesurables, réalisables, réalistes et bornés dans le temps (un calendrier ou des étapes désignées). L’orientation par l’évitement désigne toutes les stratégies visant à nier, minimiser ou éviter de faire face directement à une situation. En ce qui concerne les résolutions du nouvel an, 64% sont formulés comme des objectifs orientés par l’approche et 34% comme des objectifs orientés par l’évitement. 

Sans surprise, les objectifs qui sont orientés par l’approche, autrement dit, destinés à atteindre quelque chose, ont plus de succès. Les enquêtes sur le sujet montrent que, dans le cas de l’orientation par l’approche, avoir un objectif spécifique est bénéfique car il fournit plus d’informations sur ce que l’on est censé faire pour progresser vers ce but ; cela permet également de savoir quand on ne fait pas ce que l’on  est censé faire.

Dans les enquêtes sur les bonnes résolutions, deux variables sont significatives pour distinguer les personnes qui n’ont pas réussi à changer de celles qui ont réussi à changer. Premièrement, avant de changer, les personnes qui ont réussi se considéraient comme mieux préparées à changer. Deuxièmement, les personnes qui ont réussi à changer ont exprimé des niveaux de confiance plus élevés dans leur capacité à changer (ce que les psychologues appellent l’auto-efficacité) que leurs homologues qui n’ont pas réussi à changer. On en conclut que, pour atteindre des objectifs, se préparer au changement, la confiance en soi et des attentes réalistes en matière de comportement sont les clés de la réussite.

De manière intéressante, les enquêtes sur le sujet montrent que le soutien au changement (soutien social) et les compétences pour changer (compétences comportementales) ne permettent pas de distinguer les groupes de participants qui ont réussi à maintenir leurs résolutions et ceux qui n’ont pas réussi, quel que soit l’intervalle de temps considéré. Le désir de changer, de la même façon, n’a pas non plus permis de faire la distinction. En fait, les personnes qui avaient tendance à signaler un plus grand désir de changement étaient celles qui n’arrivaient pas à résoudre le problème ciblé par leur résolution déjà dans la première semaine de janvier.  

De plus, le recours à des stratégies d’auto-libération (la volonté) et de contrôle des stimuli (par exemple, de garder des objets autour de soi pour se rappeler de ne pas céder au problème) a montré des résultats positifs quand  à l’inverse, l’auto-culpabilisation (se critiquer, se blâmer) et la pensée magique (souhaiter que le problème disparaisse tout seul) a montré une influence négative sur les résultats. Par ailleurs, les personnes en situation d’échec face à leurs objectifs ont déclaré elles-mêmes avoir souvent recours à ces mécanismes psychologiques.

Ce résultat s’aligne avec d’autres études sur le changement comportemental qui montrent que l’emploi de stratégies d‘auto-récompense et de déclarations positives est lié à l’atteinte des objectifs. Les personnes qui n’ont pas réussi à changer un comportement utilisent plus souvent des déclarations négatives, c’est-à-dire de se concentrer sur à quel point ils se sentiront mal s’ils font ou ne font pas quelque chose.

Alors que les recherches plus anciennes montrent que les bonnes résolutions se concentrent sur l’amélioration de soi (perte de poids, arrêt de la cigarette, ambition professionnelle ), des recherches plus récentes montrent qu’elles se concentrent sur l’acceptation de soi (s’aimer soi-même, pratiquer la méditation, passer moins de temps sur les réseaux sociaux pour éviter les problèmes d’estime en soi). 

Aujourd’hui, la pratique des bonnes résolutions est également devenue un rituel sur des réseaux sociaux. Une analyse de la communication des bonnes résolutions sur Twitter (à une échelle internationale) conclut que les principales valeurs associées aux résolutions du nouvel an dans le 21ème siècle sont l’effort (21,3 %), c’est-à-dire la concentration et la détermination nécessaires à la poursuite d’objectifs ; le soi (20,9 %), c’est-à-dire le fait de prendre soin de soi, de s’aimer ou de s’exprimer ; et la culture (18,9 %), c’est-à-dire le fait de fabriquer ou de consommer des biens culturels. 

En termes de langage, les résolutions sont presque toujours exprimées en relation à l’individu (“moi-même”) et se concentrent sur la culture personnelle (“livre”, “apprendre”, “continuer” et “lire”), les décisions financières (“argent”, “acheter” et “dépenser”), les relations sociales (“amour” et “ami”), le corps (“manger” et “fumer”) et – ce qui reflète un développement plus récent – l’utilisation des médias sociaux (“passer moins de temps sur Twitter”). On note que l’absence de résolutions spirituelles ou religieuses indique que ce rituel se situe plutôt dans le domaine du séculaire et du profane.

Dans notre culture, le discours central présente le nouvel an comme une occasion de nouveaux départs, une déclaration d’effort et en mettant l’accent sur le bien-être. Il est donc normal de rentrer dans une période de réflexion sur l’année passée et l’année à venir et de faire de l’introspection quant à son style de vie, ses habitudes, ses ambitions personnelles. 

A la suite de cet article, nous espérons donc que si vous décidez de vous fixer des bonnes résolutions pour ce nouvel an 2023, vous aurez toutes les clés en main pour les tenir !